Rappelons que l’ABC repose sur le « principe » de la
décomposition des opérations de l’organisation en activités les plus fines
possibles pour analyser les coûts. Il est évident que plus la décomposition
sera fine, plus la répartition des consommations de ressources entre activités
sera sujette à erreurs. Il s’agit de ce que les comptables appellent une erreur
d’imputation analytique ou d’une erreur de mesure selon Datar et Gupta (1994).
La méthodologie d’affectation des consommations de
ressources le plus souvent employée induit également des erreurs de mesure. Les
ressources sont réparties en fonction de l’estimation des temps passés par le
personnel à l’exécution de chacune de ses activités. Ces temps sont
généralement estimés au moyen de questionnaires et entretiens (deuxième colonne
de l’exemple développé dans le Tableau 1). Ces estimations sont non seulement
sujettes à des erreurs mais en plus elles sont figées dans le temps, sauf à
envisager une coûteuse actualisation.
Type
d’erreur
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Description
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Mesure
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Elle résulte de la difficulté pratique d’identifier les coûts d’une
activité ou de mesurer les unités de ressources consommées par les objets de
coûts. Elles correspondent soit à une erreur de saisie dans les comptes (tel
montant de charges est attribué par erreur au compte B plutôt qu’au compte
A), soit à une erreur sur l’estimation du niveau de l’inducteur
(exemple : une secrétaire estime qu’elle passe 20% de son temps à
accueillir la clientèle alors, qu’en réalité, elle y consacre 40%).
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Spécification
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Elle provient de l’oubli d’un inducteur, de l’emploi d’un mauvais
inducteur ou du recours à une relation fausse entre le coût de l’activité et
son inducteur.
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Agrégation
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Elle se produit quand le coût agrège des ressources qui sont
consommées par les objets de coûts dans des proportions différentes (problème
de l’homogénéité du coût).
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Imputation des charges fixes
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Elle survient lors d’une sous-utilisation des capacités productives.
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Il ne s’agit pas de passer en revue ici tous les types
d’erreur induits par l’ABC mais seulement de mettre l’accent sur les erreurs
induites par les spécificités de la méthode.
L’erreur d’imputation des charges fixes mérite d’être
développée, le Time-Driven ABC étant une solution pour la réduire. Robert Kaplan et Anderson (2004) s’étonnent, de manière
faussement naïve, que lorsque l’on interroge des personnels sur la répartition
de leur temps de travail entre leurs différentes activités, le total représente
toujours 100%. Cela signifie que les temps « non travaillés » sont affectés à
des activités, ce qui vient augmenter leur coût. Encore plus simplement,
lorsque des coûts sont évalués avec l’ABC, le coût de la sous-activité n’est
jamais mis en exergue. Ce coût est par conséquent affecté aux objets de coûts,
ce qui représente une erreur supplémentaire.
La complexité du modèle, les difficultés d’actualisation et
l’ampleur des erreurs sont d’autant plus importantes que l’organisation est
grande et que l’on souhaite implanter le modèle ABC dans toute celle-ci. Pour
réduire ces difficultés, les utilisateurs construisent souvent des modèles
séparés pour chacun de leurs sites ou le limitent à un groupe de produits ou à
un canal de distribution. L’inconvénient est alors la quasi-impossibilité
d’avoir une vision des résultats des couples produits/marchés transversaux. Il
s’agit d’une des causes à l’origine des abandons de l’ABC relatés dans la
littérature. Pour répondre à ces faiblesses, Robert Kaplan et Anderson ont développé une nouvelle
approche de l’ABC.
Bibliographie
Datar, Srikant, et Mahendra Gupta. «Aggregation,
Specification and Measurement Errors in Product Costing.» Accounting Review 69, n° 4
(October 1994): 567-591.
Kaplan, R., &
Anderson, S. (2004, November). Time-Driven Activity-Based Costing. Harvard Business Review , 131-138.