mardi 27 janvier 2015

De la culture cash à l'asset light strategy : plaidoyer pour un pivotement


La culture cash est une problématique centrale du contrôle de gestion pour au moins deux raisons :

  • historiquement, le système de contrôle développé par Sloan et Brown chez General Motors est centré sur un indicateur de performance, le ROI (Return On Investment) ;
  • c’est un levier pour sensibiliser les managers opérationnels à la question de l’optimisation de l’utilisation des ressources financières. La culture cash est également un moyen de répondre à une des critiques du budget qui serait trop centré sur la gestion du résultat en négligeant les perspectives bilantielles (Beth & Zrihen, 2000).

Si la perspective de General Motors était stimulante, faire face à un développement rapide du marché de l'automobile avec une forte contrainte de financement, celle d’avoir comme seul levier d’amélioration de la performance la réduction de l'actif engagé l’est beaucoup moins. Cette logique de rationalisation est pourtant dominante lorsque la culture cash est exposée (Brault & Sion, 2008; Farriaux & Farriaux, 2014).


L’asset light strategy


Bien que l’asset light strategy recouvre de fait les mêmes outils ‑cession ou externalisation d’actifs et réduction du BFR‑, elle modifie fondamentalement le point de vue, en particulier lorsqu’elle est mobilisée dans le cadre d’un projet (création d’entreprise ou lancement d’une nouvelle activité).

En tentant de répondre à la question de la minimisation du montant de l'investissement, le porteur de projet va chercher à impliquer des partenaires pour les associer à sa dynamique de succès. Le partage de la valeur créée peut conduire au développement d’un business model original. En voici deux illustrations.


Le développement d’une filière agricole


Une multinationale souhaite développer une nouvelle filière agricole pour fournir un approvisionnement local à un de ses sites industriels. Le dossier technique est monté et validé mais la culture de frugalité du groupe familial lui interdit de porter seul le projet qui est aussi trop lourd pour les exploitants agricoles. Le montage finalement adopté implique quatre partenaires : l’industriel, l’exploitant agricole, le fournisseur d’intrants et un fonds d’investissement. Les échanges entre partenaires permettent d’améliorer la qualité et la viabilité d’un projet qui au départ n’était pas financé. Le partage du financement et de la valeur créée constituent un modèle économique original.


Le déploiement d’un réseau de bornes


Un groupe d’investisseurs souhaite déployer un réseau de bornes chez des détaillants qui seraient rémunérés en percevant une partie des revenus générés ; la rentabilité du projet repose sur un effet taille. Les bornes représentent un investissement lourd et difficilement finançable car totalement perdu en cas d’arrêt du projet. Finalement un modèle incitatif d’acquisition des bornes par les détaillants ‑accroissement de la part du revenu perçu‑ permet de réduire sensiblement le montant de l’investissement et accroît la sensibilité des détaillants au développement de l’activité et à la préservation du réseau. Alors que le projet initial portait sur une zone géographique restreinte, ce changement de modèle permet d’envisager un développement au niveau d’un continent. La contrainte de la minimisation de l’investissement a conduit à trouver un modèle plus incitatif et moins risqué de développement et a fondamentalement modifié le métier, le modèle économique.


Un changement de perspective


Si la culture cash enferme dans une logique de rationalisation, l’asset light strategy accroît les possibilités de développement. Il s'agit d'une certaine manière d'un retour aux sources avec la gestion sous contrainte financière du développement de General Motors dans les années 1920-1930.


Références


Beth, C., & Zrihen, R. (2000). Les “mythes budgétaires” : dégageons le bon grain de l’ivraie. Echanges, (166), 26–29.

Brault, D., & Sion, M. (2008). Objectif Cash (p. 288). Paris: Dunod.

Farriaux, F., & Farriaux, L. (2014). Générer du cash : La boîte à outils financière du non-financier (p. 360). Paris: Eyrolles.

Pour approfondir 

Le site du BCG propose une étude intitulée When 'Asset Light' is Right?